Commençons la transition !
Intervenants : Gérard Dieudonné, maire de
La Lucerne-d’Outremer ; Frédérique Sarazin, médecin ; Guillaume
Hédouin, responsable de la maison du parc des marais du Cotentin, EELV ;
Yves Graal, Manche-Nature.
Animateur : Miloud Mansour
L’eau que nous consommons, le bio et les
circuits courts dans les restaurations collectives, la survie des écosystèmes
du bocage qui nous entoure, tout est lié. Vu par un élu, un médecin, un
responsable politique ou un défenseur de la biodiversité, le constat est très
similaire. Il faut réagir et prendre en main notre environnement, de façon
individuelle et collective, et ne pas le laisser aux mains des administrations
ou des entreprises privées.
Frédérique Sarazin
C’est après avoir vu un hélicoptère pulvériser
des produits phytosanitaires au-dessus de sa tête qu’elle a rejoint le
collectif Alerte danger pesticides. Certains patients habitent près de champs
et de vergers, et cela peut provoquer des pathologies variées.
Avec Manche Nature, ils ont été surpris par la
présence d’un perturbateur endocrinien (molécule qui perturbe les hormones), l’octylphénol,
dans la baie du Mont-Saint-Michel et la baie des Veys, sachant qu’une seule
goutte dans une piscine olympique peut perturber les hormones et que, lorsque
plusieurs perturbateurs sont mélangés, l’action de chacun s’amplifie.
Ce sont les industriels qui ralentissent la
diffusion des connaissances.
Il faudrait prendre une grande mesure de
réduction des pesticides, or, au contraire, actuellement, leur usage s’étend.
Les sénateurs ne sont pas très à l’écoute ;
d’ailleurs, ils ont voté contre l’introduction de l’agriculture biologique dans
les cantines, alors que cela pourrait être fait progressivement.
Pour la qualité de l’eau, les petites
crevettes, qui sont des bio-accumulateurs, pourraient être utilisées comme
marqueurs très économiques. Les bulots et les tourteaux, eux, concentrent les
métaux lourds mais aussi les pesticides.
La solution peut déjà être individuelle :
en mangeant bio, ce qui n’est pas forcément plus cher pour manger plus sain, et
en arrêtant de se laver ! Ne plus utiliser de pétrole, de gel douche, mais
de l’eau !
L’État, au lieu d’abandonner la nature,
devrait financer les associations qui défendent l’environnement.
Gérard Dieudonné
La production d’eau potable a été confiée à
des régies. L’agence de l’eau Seine Normandie — un cinquième de la
France — ne passe de conventions avec les collectivités que si elles ont signé
la charte de non-utilisation des pesticides.
Il est possible de ne pas utiliser de produits
phytosanitaires, mais c’est compliqué. Dans les cimetières, par exemple, on
utilise des désherbants depuis les années 1950.
Des résistances se mettent en place, car il
faut de plus en plus de produits pour obtenir des résultats.
Les collectivités doivent donner l’exemple. Le
département a commencé…
Dans l’agriculture, peut-on envisager le zéro
phyto ? Le bio ? Les agriculteurs sont-ils contre ?
Parmi les polluants classiques que l’on trouve
dans l’eau, ceux qui semblaient le plus dangereux ont été éliminés. Sur le
territoire du Granvillais, il y a moins de problèmes que dans le Sud-Manche…
Des progrès ont été faits, mais il faut rester
attentifs.
On n’est pas obligé de mettre des produits
pour cultiver, mais ce n’est pas dans la culture de l’agriculture actuelle.
Il y a également le problème de la qualité de
l’eau en provenance des rivières.
Pour l’eau potable, il est possible de créer,
au sein d’un gros syndicat mixte de production d’eau potable (SMPGA), une régie
pour regrouper certaines structures autonomes.
Le but est d’essayer de maîtriser la
production, les prix, surtout en milieu rural, où se pose un problème de
distribution (de 11 à 80 abonnés au kilomètre).
Veolia est forcément plus cher puisque c’est
une entreprise qui doit faire des bénéfices.
Guillaume Hédouin
Le bocage normand commence à suivre le modèle
breton, qui gagne le Sud-Manche, avec une agriculture industrielle, paysages
« ouverts », polluants d’origine agricole qui arrivent très vite dans
les eaux, provoquant un « effet cocktail » dû à l’augmentation des
molécules en nombre et en puissance.
Il n’existe pas de bonne étude publique ;
c’est dans le cadre d’études épidémiologiques que les dégâts s’observent,
pendant que les fabricants de produits phytosanitaires gagnent des années et
ont toujours un produit d’avance.
Même si, dans une société idéale, on n’empêche
pas l’effet nitrate, les zones humides actives sont plus efficaces pour la
dégradation de l’azote.
Actuellement, on accélère le transit de l’eau.
Or, la protection de l’eau s’effectue au niveau des 30 à 40 premiers
centimètres du sol, et c’est l’agriculture qui s’en occupe. On peut dire que
notre service public de l’eau commence avec l’agriculteur.
Dans les marais du Cotentin et du Bessin,
beaucoup d’eau potable se situe dans les nappes, alors que, dans le Sud-Manche,
on prend de l’eau de surface, on prend soin de l’eau.
Dans les marais du Cotentin et du Bessin, il
faudrait développer une agriculture qui prenne soin de l’eau.
Ailleurs, on ferme les points de captage et on
met de gros tuyaux.
On a un système concentrationnaire de l’eau,
on augmente la taille du marché et des entreprises, avec la tentation de tout
régler au niveau départemental pour générer du business.
Même les plantes sont victimes de la
mondialisation : des plantes importées des quatre coins du monde, car le
marché est mondialisé, avec leurs maladies (le frêne, par exemple) qui se
disséminent ici.
La population est attachée au bocage, mais les
agriculteurs veulent de grandes surfaces lisses pour cultiver.
Le bocage, ce ne sont pas seulement des haies
pour séparer les champs, mais une source écosystème et d’intégration
économique.
Yves Graal
L’urgence est de se préoccuper du
réchauffement climatique.
Que va-t-il advenir des marais du Cotentin,
des marais de Bréville ?
La biodiversité est en danger : insectes,
oiseaux, papillons, taupes...
Depuis 2015, les arbres (voir à Yquelon…) sont
en train de mourir : hêtres, acacias, peupliers, châtaigniers sont
malades.
Quelques mesures immédiates : découper
les trottoirs et mettre de la terre ; utiliser le bois du bocage pour des
chaudières à bois récupéré dans les collectivités.
Difficile de terminer sur une note optimiste
Discussion
Frédérique Sarazin
La santé des hommes est liée à la santé de la
nature.
Jean-Louis Brault (éleveur de porcs à la
retraite)
Ne pas opposer l’agriculture bio et l’agriculture
raisonnée, car les agriculteurs sont les premiers touchés.
On est tous conscients, surtout les jeunes
agriculteurs. Mais pour ceux qui ont fait des investissements extrêmement
lourds, on ne peut pas changer du jour au lendemain.
Les produits doivent être payés à leur juste
valeur, car des agriculteurs bien rémunérés ont tendance à prendre les bonnes
décisions pour l’environnement.
Il y a des améliorations, il faut du temps,
des moyens, des prix…, favoriser les produits faits en France pour que les
agriculteurs vivent dignement.
Quant aux nitrates, les agriculteurs utilisent
des pièges à nitrates... Il n’y a pas de terres découvertes à l’automne dans le
Sud-Manche.
Gérard Dieudonné
Il n’y a pas d’opposition, mais les
agriculteurs votent pour des représentants syndicaux départementaux qui…
Pierre Hédouin (ancien marin pêcheur)
La solution n’est pas de mettre en cause les
professionnels, mais de les mettre devant leurs responsabilités. Aujourd’hui,
certaines espèces de poissons sont menacées.
Joseline Peyry (enseignante retraitée)
Quand on parle d’écologie, on stigmatise
souvent les agriculteurs. Mais il ne faut pas opposer les uns aux autres. On ne
fera pas du « commun » en soulignant des antagonismes.
Frédérique Sarazin
Il est difficile de changer de pratique, c’est
vrai aussi pour les médecins.
Robert Brégeon
Soulève la question de la destruction des
barrages qui permettent la production d’électricité hydraulique.
Yves Graal: Manche Nature choisit la vie
Frédérique Sarazin : la production de ces
barrages est infime, même EDF veut les abandonner.
Que faire des sédiments pollués
Thomas Collardeau
Pour le bio à l’école.
Problème de l’exonération de la taxe foncière
sur cinq ans. Amendement en cours pour permettre aux maires de choisir la durée
de cette exonération.
Didier Leguelinel
La qualité des eaux de baignade est importante
pour les pêcheurs, car ce sont aussi les eaux de fraie des poissons.
La question est de traiter la qualité des eaux
au lieu de s’en prendre aux marins-pêcheurs.
Pour les barrages, le retraitement va passer à
la trappe… au détriment des poissons de mer ?
Les bulots ne sont pas les premiers porteurs
de métaux lourds.
Il s’agit d’une taille de bulots et de lieux
de pêche
Émilie Guillard (ancienne élue, déléguée d’un
syndicat des Eaux)
Fermeture de point de captage, aucun travail
auprès des agriculteurs.
Refus de prendre en compte le problème des
nitrates en amont de l’agriculture.
Les élus sont prisonniers de leur électorat.
Gérard Dieudonné
Il y a une protection autour du point de captage.
Miloud Mansour
Ce débat a demandé un travail préparatoire de
plusieurs mois.
Aucune réponse de la FNSEA ni du Crédit
agricole.
Il ne s’agit pas de trouver un bouc émissaire,
mais des solutions.
Ce débat n’est pas une grand messe, mais une
confrontation de nos idées pour progresser tous ensemble.
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