Égalité… fraternité
Intervenants : Chantal Tambour, membre du
Comité Manche des droits des femmes ; Yann Le Pennec, membre des Mots
Bleus et de Port d’Attache ; Thierry Fagart, avocat.
Animateur : Miloud Mansour
Oppression des minorités, difficultés à vivre
avec peu de moyens, droit à la différence.
Les femmes ne sont pas une minorité, elles
constituent la majorité de notre humanité. Pourtant, elles ne sont pratiquement
pas représentées dans les instances dirigeantes, et plus on s’élève dans les
responsabilités, plus leur nombre diminue. Petit clin d’œil en forme d’autocritique,
sur la difficulté à trouver une seconde femme pour animer ce débat
citoyen !
Des constats par les chiffres, des
explications juridiques et techniques, mais aussi des témoignages émouvants.
Dans une France qui se dit le pays des droits
de l’homme, mieux vaut ne pas cumuler les difficultés : être femme
immigrée et handicapée laisse-t-il un espace pour vivre ?
Miloud Mansour
À
un journaliste qui lui demandait, au vu du
titre de ce débat, « et la liberté dans tout ça ? », il répondit qu’il
n’est de liberté bien comprise que lorsqu’on répond aux besoins
fondamentaux d’un être humain…
Chantal Tambour
Il est beaucoup question des droits de l’homme…
et ceux des femmes ?
Quant au joli mot de « fraternité »,
pourquoi ne dit-on pas « sororité » ?
On voit qu’il existe un filtre du langage très
masculin.
Après huit à douze lois sur l’égalité entre
les hommes et les femmes, quels changements?
Il reste le problème des violences faites aux
femmes, sociales, physiques, psychologiques.
Peut-on parler d’égalité quand la terreur
existe derrière les volets clos de la famille ?
C’est la conception même du rôle de la femme
dans notre société qui est en jeu.
Dans le monde, une femme sur trois est victime
de violences.
En France, tous les deux jours et demi, une
femme meurt sous les coups de son compagnon, 223 000 femmes subissent des
violences en France.
Le comité Manche des droits des femmes a
demandé un observatoire des violences faites aux femmes.
Une autre violence est sociale, qui pourrait
être résolue par la parité, car les femmes sont sous-représentées malgré leurs
compétences. La France est seulement à la soixantième place pour l’égalité de
la représentation des femmes dans les instances nationales.
Aux élections municipales et départementales,
quid de la parité ?
La présidence, en général, c’est un homme,
quelle que soit la taille de l’institution.
Les femmes assurent deux fois plus de charges
familiales que les hommes.
Certains partis préfèrent payer les indemnités
plutôt que d’assurer la parité.
Être candidate n’est pas le tout, encore
faut-il être à une place éligible. Et qu’en est-il après l’élection ?
Quelle place pour l’élue ?
En ce qui concerne l’égalité au travail, le
comité a été unanime pour combattre la loi travail.
Compte tenu de la différence de salaire, les
femmes travaillent gratuitement depuis le 8 novembre.
80 % des temps partiels assumés par des
femmes
Rien n’a avancé dans les entreprises pour les
droits des femmes.
La loi travail accroît la flexibilité, donc
les difficultés pour les femmes, surtout dans les petites et très petites
entreprises, où il y a une concentration de femmes.
En cas de mobilité obligatoire, ce sont encore
les femmes qui sont en première ligne.
Et en médecine du travail, pourquoi une
caissière qui déplace quinze tonnes par jour n’est-elle pas reconnue comme
pratiquant un métier à risque ?
À propos du droit à disposer de son corps, l’IVG
est menacée dans certains pays, mais aussi en France, où le député de Saint-Lô
a soutenu son déremboursement.
Pendant ce temps, des maternités sont fermées,
à Coutances ou à Granville, des lits sont supprimés, à Avranches.
La pauvreté qui avance à grand pas, concerne
majoritairement des femmes.
Dans le monde, les femmes accomplissent 66 %
du travail, perçoivent 10 % des revenus, et possèdent 1 % du
patrimoine.
Yann Le Pennec
Les deux associations sont reconnues d’intérêt
général et travaillent avec les immigrés à aider, s’inscrire dans une
intégration, s’éduquer, avoir des papiers, apprendre le français (31
nationalités).
Thierry Fagart
Il s’agit de relever ce qui contrevient aux
lois fondamentales de la nation.
Dans la pratique, cela ne fonctionne pas comme
dans la devise de la République. Il y a détournement de la norme juridique pour
des profits
La loi est-elle l’expression de l’intérêt
général ? Dans les faits, la loi constate un état d’esprit de la société à
un moment de son histoire, avec une évolution dans les rapports de force.
La lutte pour l’IVG est à ce sujet
emblématique, elle a entériné un rapport de force.
Pour la peine de mort, la loi a pu voir le
jour en raison d’une évolution des mentalités.
On peut proclamer la parité – « T’aurais
pas une femme sous la main pour? » –, cela ne transforme pas la société.
La norme ne s’impose que lorsqu’elle
correspond au rapport de force.
La parole libérée utilisée pour détourner la
loi (propos racistes ou négationnistes...) alors que c’est un délit !
Hiatus considérable entre liberté, loi,
fraternité…
Moi, président, je commencerais par interdire
tout ce qui est commentaires ignobles sur les sites des médias…
Discussion
Yann Alary
Certes, les femmes subissent discriminations
et inégalités, mais n’oublions pas les travailleurs handicapés, dont le chômage
est passé de 40 à 65%.
Thomas Collardeau
Salue l’action du maire d’Avranches pour l’accueil
des migrants, alors que Guénhaël Huet a comparé les migrants aux violeurs en
Allemagne.
Miloud Mansour
Le Front de Gauche avait choisi de répondre à
Guénhaël Huet, mais ne suivra pas son calendrier en ne reprenant pas ses
diverses interventions haineuses
Chantal Tambour
Dans la précarité, les plus vulnérables sont
les plus atteints.
40 % des handicapés ont un travail, dont
28 % pour les femmes.
La réforme de l’allocation logement va
précariser encore plus les handicapés.
Jacqueline Martinez
Certes, la loi ne fait pas tout, mais elle est
indispensable.
Il faut aussi agir de façon volontaire, s’obliger
à toujours appliquer la parité. C’est vrai qu’il a été impossible de trouver de
seconde femme pour animer les débats, parce qu’on est habitués à ce que ce soit
les hommes qui parlent, les hommes qui dirigent.
Joseline Peyry
Nous parlons du droit des minorités – les
femmes n'en sont pourtant pas une –, des populations les plus fragiles.
C'est le paroxysme du manque de droits
de beaucoup de gens, ni migrants, ni handicapés, mais
tellement précarisés.
La loi – sauf rare illumination, comme
l'abolition de la peine de mort – est l'émanation de la
pensée dominante.
C'est la loi du plus fort !
Jacques Dubois
Bonne nouvelle : c’est une femme qui
vient d’être élue présidente de la ligue professionnelle de football.
Yves Graal
Aborde l’impact des inégalités sur la santé,
sur la mortalité infantile et sur la criminalité.
La santé est plus en difficulté en raison de
la montée des inégalités que par la baisse du PIB.
Anne-Marie Legoubé
Au comité des usagers de l’hôpital, un seul
homme est membre au bureau.
Annie Oblin
L’imposition de la parité est nécessaire, mais
cela ne suffit pas.
En 1936, il n’était pas prévu de donner le
droit de vote aux femmes.
En 1945, certains pensaient qu’elles allaient
voter à droite…
Pour que les femmes puissent se porter
candidates femmes, il leur faudrait du temps (travail morcelé, travail
domestique non partagé…).
Pour les salaires, quoi de plus dévalorisant
que d’être payé moins pour un même travail.
Il est urgent de faire appliquer la loi, même
dans le public.
Les femmes sont particulièrement pénalisées au
moment de la retraite : avec des salaires plus bas, des carrières plus
courtes, leur retraite est forcément moins élevée que celle des hommes.
Beaucoup de femmes seules vivent sous le seuil
de pauvreté.
Un observatoire des violences faites aux
femmes a été mis en place en Seine-Saint-Denis… Et dans la Manche ?
Chantal Tambour
90 % des crimes relèvent de la violence
conjugale.
Il manque de places pour l’accueil de femmes
victimes de violences.
Pour déposer plainte dans un commissariat, il
faut des preuves, agir dans un délai de 72 heures, et après, on rentre à la
maison où on retrouve l’agresseur.
Yann Alary
On peut décréter, légiférer, il faut une
évolution des mentalités.
Mitidja (artiste)
Elle vit seule avec ses deux enfants, perçoit
le RSA, et a connu la violence d’un homme.
Les femmes sont fortes, pourtant, quelle image
de la pauvreté cela renvoie-t-il ?
Quand une femme a confiance en elle, il est
difficile pour un homme d’accepter, parfois on subit des violences.
72 heures pour réagir, c’est court, il lui a
fallu une semaine pour s’y résoudre ; sa mère était une femme battue, elle
a été une enfant battue.
Quand on rencontre des difficultés, on a peur
des services sociaux. La seule façon d’avancer, c’est de réussir à en parler.
Pour une femme, être artiste, c’est difficile.
Il faut faire chauffer la marmite, accepter un travail précaire pour survivre.
Et puis, l’échec scolaire : quand on est
enfant d’origine maghrébine, on est considéré comme arabe, alors qu’elle ne
connaît rien à la culture musulmane, elle est née en France. Elle s’est
retrouvée dans des classes où personne ne parlait français.
Chantal Tambour
Être femme et handicapée, c’est subir une
double peine.
Thierry Fagart
Dans les commissariats, on n’est pas forcément
intéressé pour respecter la loi, notamment en matière de viol et de violence
conjugale.
Il reste beaucoup de travail pour changer les
mentalités
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