mardi 1 décembre 2015

Assises debout - A la reconquête des services publics




 

À la reconquête des services publics




Intervenants : Yann Alary, cheminot, syndicaliste ; Didier Leguelinel, pêcheur, conseiller municipal de Granville, membre du collectif d’élus pour la défense de l’hôpital public ; Françoise Podeur-Rayon, directrice d’école maternelle, syndicaliste ; Anne-Marie Legoubé, secrétaire du comité des usagers pour la défense de l’hôpital public de proximité.

Animatrice : Jacqueline Martinez



Les transports, l’école, la vie locale, l’hôpital, notre commun est malmené au quotidien par les politiques libérales et l’austérité. L’aspect humain, souvent relégué au second plan pour conforter les profits, est revenu avec force dans le débat. Ce qui s’est esquissé à la tribune a aussitôt été illustré dans la salle par de nombreux témoignages. Un débat qui met en évidence les carences organisées des services publics dans notre région, mais qui évoque aussi des perspectives si on réussit à dépasser le dogme de la rentabilité.



Anne-Marie Legoubé

Le service public de santé est le premier centre d’intérêt des Français.

Les déserts médicaux se multiplient et atteignent les métropoles, le ministère compte sur le regroupement des hôpitaux.

Le conseil régional de Normandie s’inscrit dans cette logique de démantèlement du service de santé et de menace sur la Sécurité sociale.

La fermeture des services de l’hôpital de Granville et leur déménagement vers Avranches est prévue pour 2017, mais les travaux n’ont pas commencé.

Il y a un manque de médecins spécialistes, avec des délais très longs pour obtenir un rendez-vous.

L’action du comité d’usagers à conduit au rétablissement partiel du service secondaire du SMUR.

Et l’action de tous a permis d’annuler des fermetures d’écoles d’infirmières.

Soignants, usagers, élus, se mobiliser ensemble.



Françoise Podeur-Rayon

Le service d’éducation est privatisé progressivement.

Les personnels qui s’occupent des enfants en difficulté ont des contrats privés et précaires, d’où un problème de statut, sans perspective de travail suivi, ni pour les personnels, ni pour les équipes.

Nombreuses suppressions de postes sous les gouvernements de droite, avec la suppression des réseaux d’aide.

Il y a une externalisation de la prise en charge (orthophonistes libéraux...), moins d’accueil pour les moins de 3 ans, qui ne sont pas comptés dans les effectifs.

Les temps périscolaires d’animation (TAP), obligatoires dans le public, sont pris en charge par les mairies, avec des personnels peu formés et des disparités territoriales. Certaines mairies n’ont pas les moyens.

La formation initiale et continue, supprimée par Sarkozy, remise en route par les socialistes, est très inégale sur le territoire.

Depuis deux ou trois ans, les réunions mêlent enseignants du public et du privé, au prétexte de gagner du temps. C’est une atteinte à la laïcité, mais qui a provoqué peu de réaction des enseignants du public.



Yann Alary

Le service public, c’est l’égalité de traitement de tous les citoyens sur l’ensemble du territoire.

Or, actuellement, la SNCF applique un tarif kilométrique en fonction des trajets.

La SNCF, c’est 850 filiales, dont Geodis, Calberson, Bourgey Montreuil, les plus gros transporteurs routiers européens, ceux qui accroissent la pollution atmosphérique.

On assiste à une privatisation du service public, en se servant des cheminots.

L’entretien des voies est confié à des filiales, sans culture ni formation à la sécurité, ou à des entreprises privées, comme Colas, du groupe Bouygues.

L’écologie est pourtant une source d’emplois pour l’avenir.

Et ce qui a permis, en France, de résister à la crise, ce sont les services publics.

L’argent public doit servir au public.

S’il n’y a plus d’argent dans les caisses, c’est parce que les actionnaires se remplissent les poches.

En vingt ans, 100 000 emplois ont été supprimés, provoquant une dégradation des services publics.

Et maintenant, les feuilles tombent sur les voies du Granville-Paris…, puisque les trains nettoyeurs passent après les trains de voyageurs.

Les cars Ouibus sont une filiale de la SNCF, en concurrence avec la desserte ferroviaire.

La question doit être de savoir comment quelqu’un qui habite à Mortain, par exemple, peut être transporté au plus près d’une gare de chemin de fer.



Didier Leguelinel

Il a une vision plus globale en tant qu’élu, et veut avoir une position de principe.

Constitution, égalité, fraternité, c’est ça, le service public : permettre à ceux qui ont moins peu de moyens d’y accéder.

Il y a eu un désengagement depuis Chirac (années 1980).

Parler de rentabilité du service public est une antinomie, une erreur fondamentale : le service public n’a pas vocation à être rentable.

Sont supprimés les moins nombreux et les plus faibles… les autres suivent.

Réaffirmer la volonté que nous avons d’un service public sans exigence de rentabilité.

Changer de logiciel… de Macron…



Discussion




Guillaume Hédouin (EELV)

On a tendance à parler beaucoup du statut des salariés, mais n’oublions pas les usagers.

Pour l’énergie, il faut aller vers un système décentralisé, car un système trop centralisé est peu perméable à l’action des citoyens.

Développer la SNCF, qui a un gros rôle à jouer dans l’économie avec un bilan carbone intéressant. Et pourquoi pas vers un service SNCF gratuit ?



Robert Brégeon (enseignant retraité)

Raconte les conditions épouvantables dans lesquelles il a été traité pour l’infarctus dont il a été victime il y a quelques années : de l’attente des pompiers derrières sa porte, aux deux heures et demie qu’il a passées aux urgences, puis au transport précipité pour Caen où il n’a pas pu être soigné immédiatement. Les mêmes problèmes ont surgi quelques années plus tard pour des problèmes urologiques.

« Je voudrais bien que cela n’arrive pas trop souvent et c’est pour ça que je me bats pour un hôpital de proximité » conclue-t-il.



Gérard Dieudonné (maire)

Ne pas confondre service public et service AU public.



Frédérique Sarazin (médecin)

Un service public médical peut être rentable (par exemple, la cardiologie, avec toutes ses consultations à l’hôpital, était rentable).

En ce qui concerne l’annulation du SMUR secondaire, le jugement en référé a été favorable au comité des usagers, mais on ne connaît pas encore la date de l’audience du jugement en annulation (déposé fin décembre 2015).

Il y a eu peu de soutien des élus, sauf le collectif créé par Gérard Dieudonné et Didier Leguelinel, et les médecins aimeraient connaître ceux qui les soutiennent.



Françoise Podeur-Rayon

Répond à une question : pourquoi est-ce gênant de convoquer des directeurs d’école du privé et du public ensemble ?

Nous sommes en concurrence, il ne faut pas flouter les choses.

L’Éducation nationale est responsable de donner des instructions au privé, mais ne doit pas instaurer la confusion.



Jean-Paul Labrosse (ancien artisan voilier, reconverti enseignant)

La rentabilité d’un établissement scolaire se mesure des années, des décennies plus tard.



Élisabeth Brault (maire)

Injustice par rapport aux temps périscolaires d’animation, qui ne sont pas obligatoires à l’école privée.



Gérard Dieudonné

S’il y avait des temps périscolaires d’animation dans le privé, je refuserais de les financer.



Yannick Grivaux (hospitalier, syndicaliste)

Quand on voit les cadeaux faits au patronat !

Lors de la réforme des budgets dans la santé (lois Bachelot, Touraine), Touraine comble le trou de la Sécu en réduisant la masse salariale.

Les groupements hospitaliers de territoire divisent par dix du nombre de directeurs.

Suppression de la formation sous prétexte qu’il n’y a pas de travail…

Si on devait rembourser les comptes épargne temps, ce sont des millions d’heures.

Si on pouvait emprunter à la Banque de France à un meilleur taux, ce serait plus facile



Francis Le Fichant (ancien coresponsable d’un centre sportif municipal)

Quand j’ai terminé, on commençait à dire qu’une municipalité se gérait comme une entreprise.

D’ailleurs, la gestion de la future piscine de Granville va être confiée au privé.

On devrait parler de clinique lucrative au lieu de clinique privée !

Et l’école ne doit pas être une succursale de l’évêché...



Thomas Collardeau (avocat)

L’école ne doit laisser aucun enfant sur le carreau. Il voudrait interroger Françoise Podeur-rayon sur les nouvelles méthodes d’apprentissage, car ne peut-on changer les méthodes au lieu d’embaucher ?



Françoise Podeur-Rayon

Attention à ne pas s’engouffrer dans des pistes trop étroites et trop anciennes.

Il manque une formation continue des enseignants tout au long de leur carrière, les inscrire dans la recherche.

Il faut définir les besoins fondamentaux des individus et créer les services publics pour les satisfaire.

Envisager une soirée spéciale éducation ?



Conclusion

Importance des services publics en France, qui avaient été structurés depuis la Libération.

Et il y a aussi des secteurs rentables, la preuve par les profits que font certaines chaînes de cliniques privées.


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