À la reconquête des services publics
Intervenants : Yann Alary, cheminot, syndicaliste ;
Didier Leguelinel, pêcheur, conseiller municipal de Granville, membre du
collectif d’élus pour la défense de l’hôpital public ; Françoise
Podeur-Rayon, directrice d’école maternelle, syndicaliste ; Anne-Marie
Legoubé, secrétaire du comité des usagers pour la défense de l’hôpital public
de proximité.
Animatrice : Jacqueline Martinez
Les transports, l’école, la vie locale, l’hôpital,
notre commun est malmené au quotidien par les politiques libérales et l’austérité.
L’aspect humain, souvent relégué au second plan pour conforter les profits, est
revenu avec force dans le débat. Ce qui s’est esquissé à la tribune a aussitôt
été illustré dans la salle par de nombreux témoignages. Un débat qui met en
évidence les carences organisées des services publics dans notre région, mais
qui évoque aussi des perspectives si on réussit à dépasser le dogme de la
rentabilité.
Anne-Marie Legoubé
Le service public de santé est le premier
centre d’intérêt des Français.
Les déserts médicaux se multiplient et
atteignent les métropoles, le ministère compte sur le regroupement des
hôpitaux.
Le conseil régional de Normandie s’inscrit
dans cette logique de démantèlement du service de santé et de menace sur la
Sécurité sociale.
La fermeture des services de l’hôpital de
Granville et leur déménagement vers Avranches est prévue pour 2017, mais les
travaux n’ont pas commencé.
Il y a un manque de médecins spécialistes,
avec des délais très longs pour obtenir un rendez-vous.
L’action du comité d’usagers à conduit au
rétablissement partiel du service secondaire du SMUR.
Et l’action de tous a permis d’annuler des
fermetures d’écoles d’infirmières.
Soignants, usagers, élus, se mobiliser
ensemble.
Françoise Podeur-Rayon
Le service d’éducation est privatisé
progressivement.
Les personnels qui s’occupent des enfants en
difficulté ont des contrats privés et précaires, d’où un problème de statut,
sans perspective de travail suivi, ni pour les personnels, ni pour les équipes.
Nombreuses suppressions de postes sous les
gouvernements de droite, avec la suppression des réseaux d’aide.
Il y a une externalisation de la prise en
charge (orthophonistes libéraux...), moins d’accueil pour les moins de 3 ans,
qui ne sont pas comptés dans les effectifs.
Les temps périscolaires d’animation (TAP), obligatoires
dans le public, sont pris en charge par les mairies, avec des personnels peu
formés et des disparités territoriales. Certaines mairies n’ont pas les moyens.
La formation initiale et continue, supprimée
par Sarkozy, remise en route par les socialistes, est très inégale sur le
territoire.
Depuis deux ou trois ans, les réunions mêlent
enseignants du public et du privé, au prétexte de gagner du temps. C’est une
atteinte à la laïcité, mais qui a provoqué peu de réaction des enseignants du
public.
Yann Alary
Le service public, c’est l’égalité de
traitement de tous les citoyens sur l’ensemble du territoire.
Or, actuellement, la SNCF applique un tarif
kilométrique en fonction des trajets.
La SNCF, c’est 850 filiales, dont Geodis,
Calberson, Bourgey Montreuil, les plus gros transporteurs routiers européens,
ceux qui accroissent la pollution atmosphérique.
On assiste à une privatisation du service
public, en se servant des cheminots.
L’entretien des voies est confié à des
filiales, sans culture ni formation à la sécurité, ou à des entreprises
privées, comme Colas, du groupe Bouygues.
L’écologie est pourtant une source d’emplois
pour l’avenir.
Et ce qui a permis, en France, de résister à
la crise, ce sont les services publics.
L’argent public doit servir au public.
S’il n’y a plus d’argent dans les caisses, c’est
parce que les actionnaires se remplissent les poches.
En vingt ans, 100 000 emplois ont été
supprimés, provoquant une dégradation des services publics.
Et maintenant, les feuilles tombent sur les
voies du Granville-Paris…, puisque les trains nettoyeurs passent après les
trains de voyageurs.
Les cars Ouibus sont une filiale de la SNCF,
en concurrence avec la desserte ferroviaire.
La question doit être de savoir comment quelqu’un
qui habite à Mortain, par exemple, peut être transporté au plus près d’une gare
de chemin de fer.
Didier Leguelinel
Il a une vision plus globale en tant qu’élu,
et veut avoir une position de principe.
Constitution, égalité, fraternité, c’est ça,
le service public : permettre à ceux qui ont moins peu de moyens d’y
accéder.
Il y a eu un désengagement depuis Chirac
(années 1980).
Parler de rentabilité du service public est
une antinomie, une erreur fondamentale : le service public n’a pas
vocation à être rentable.
Sont supprimés les moins nombreux et les plus
faibles… les autres suivent.
Réaffirmer la volonté que nous avons d’un
service public sans exigence de rentabilité.
Changer de logiciel… de Macron…
Discussion
Guillaume Hédouin (EELV)
On a tendance à parler beaucoup du statut des
salariés, mais n’oublions pas les usagers.
Pour l’énergie, il faut aller vers un système
décentralisé, car un système trop centralisé est peu perméable à l’action des
citoyens.
Développer la SNCF, qui a un gros rôle à jouer
dans l’économie avec un bilan carbone intéressant. Et pourquoi pas vers un
service SNCF gratuit ?
Robert Brégeon (enseignant retraité)
Raconte les conditions épouvantables dans
lesquelles il a été traité pour l’infarctus dont il a été victime il y a
quelques années : de l’attente des pompiers derrières sa porte, aux deux
heures et demie qu’il a passées aux urgences, puis au transport précipité pour
Caen où il n’a pas pu être soigné immédiatement. Les mêmes problèmes ont surgi
quelques années plus tard pour des problèmes urologiques.
« Je voudrais bien que cela n’arrive pas
trop souvent et c’est pour ça que je me bats pour un hôpital de
proximité » conclue-t-il.
Gérard Dieudonné (maire)
Ne pas confondre service public et service AU
public.
Frédérique Sarazin (médecin)
Un service public médical peut être rentable (par
exemple, la cardiologie, avec toutes ses consultations à l’hôpital, était
rentable).
En ce qui concerne l’annulation du SMUR
secondaire, le jugement en référé a été favorable au comité des usagers, mais
on ne connaît pas encore la date de l’audience du jugement en annulation
(déposé fin décembre 2015).
Il y a eu peu de soutien des élus, sauf le
collectif créé par Gérard Dieudonné et Didier Leguelinel, et les médecins
aimeraient connaître ceux qui les soutiennent.
Françoise Podeur-Rayon
Répond à une question : pourquoi est-ce
gênant de convoquer des directeurs d’école du privé et du public
ensemble ?
Nous sommes en concurrence, il ne faut pas
flouter les choses.
L’Éducation nationale est responsable de
donner des instructions au privé, mais ne doit pas instaurer la confusion.
Jean-Paul Labrosse (ancien artisan voilier,
reconverti enseignant)
La rentabilité d’un établissement scolaire se
mesure des années, des décennies plus tard.
Élisabeth Brault (maire)
Injustice par rapport aux temps périscolaires
d’animation, qui ne sont pas obligatoires à l’école privée.
Gérard Dieudonné
S’il y avait des temps périscolaires d’animation
dans le privé, je refuserais de les financer.
Yannick Grivaux (hospitalier, syndicaliste)
Quand on voit les cadeaux faits au
patronat !
Lors de la réforme des budgets dans la santé
(lois Bachelot, Touraine), Touraine comble le trou de la Sécu en réduisant la
masse salariale.
Les groupements hospitaliers de territoire
divisent par dix du nombre de directeurs.
Suppression de la formation sous prétexte qu’il
n’y a pas de travail…
Si on devait rembourser les comptes épargne
temps, ce sont des millions d’heures.
Si on pouvait emprunter à la Banque de France
à un meilleur taux, ce serait plus facile
Francis Le Fichant (ancien coresponsable d’un
centre sportif municipal)
Quand j’ai terminé, on commençait à dire qu’une
municipalité se gérait comme une entreprise.
D’ailleurs, la gestion de la future piscine de
Granville va être confiée au privé.
On devrait parler de clinique lucrative au
lieu de clinique privée !
Et l’école ne doit pas être une succursale de
l’évêché...
Thomas Collardeau (avocat)
L’école ne doit laisser aucun enfant sur le
carreau. Il voudrait interroger Françoise Podeur-rayon sur les nouvelles
méthodes d’apprentissage, car ne peut-on changer les méthodes au lieu d’embaucher ?
Françoise Podeur-Rayon
Attention à ne pas s’engouffrer dans des
pistes trop étroites et trop anciennes.
Il manque une formation continue des
enseignants tout au long de leur carrière, les inscrire dans la recherche.
Il faut définir les besoins fondamentaux des
individus et créer les services publics pour les satisfaire.
Envisager une soirée spéciale éducation ?
Conclusion
Importance des services publics en France, qui
avaient été structurés depuis la Libération.
Et il y a aussi des secteurs rentables, la
preuve par les profits que font certaines chaînes de cliniques privées.
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