mardi 1 décembre 2015

Assises debout - Pistes d'acion économique

Pistes d’action économique



Intervenants : Élisabeth Brault, maire de Saint-Senier-de-Beuvron ; Pierre Hédouin, ancien marin-pêcheur, membre de l’APPG ; Laurent Brégeon, directeur du pôle espoir et du centre d’entraînement de haut niveau voile habitable des Côtes d’Armor ; Ludovic Lecrosnier, producteur de lait bio et de cidre, membre de la Confédération paysanne.

Animateur : Jean-Paul Rousselot.



Sans être une conclusion de la journée, ce quatrième débat montre à quel point des solutions sont envisageables pour redynamiser notre région. De l’agriculture biologique ou raisonnée, en passant par la promotion de la pêche et du cabotage, sans oublier les débouchés que sont le sport ou le tourisme populaire, la transformation des produits locaux, les idées ne manquent pas. Il faut sortir de la spirale centralisatrice et des dogmes de la rentabilité immédiate (pour qui?) et s’appuyer sur les savoir-faire et les opportunités locales en respectant les populations. Que Bayer ou Monsanto amplifient leurs profits n’apporte rien aux habitants du Sud-Manche, mais la multiplication des initiatives locales, véritable gisement d’emplois, permettrait de redynamiser la région en développant commerces, activités de proximité et services publics.



Élisabeth Brault

Être maire, femme dans une commune rurale, ce n’est pas toujours facile.

Dans sa commune, il y avait une maison de retraite religieuse qui devait fermer ; elle a pu être reprise dans un cadre associatif.

En 2004-2005, elle a failli fermer pour cause de normes ; il a fallu se prendre en charge pour que les résidents de la commune ne partent pas ailleurs malgré des volontés politiques.

Cela a aboutit à la création d’une maison neuve pour 33 résidents au départ, 50 prévus.

La gestion administrative se fait aussi avec des fonds publics.

Avec la volonté de ne pas augmenter les subventions, même si c’est difficile de s’y tenir quand on ne veut pas augmenter les tarifs, qui sont fixés par l’État.

C’est important pour un village de 350 habitants.

Il y a des inquiétudes liées aux différentes réformes territoriales, qui créent des problèmes, comme la communauté d’agglomération qui comprend 140 communes.

Cette maison de retraite a une grande importance économique locale avec ses 30 salariés.



Ludovic Lecrosnier

L’argent commande la situation du foncier, et a provoqué la concentration du lait dans les exploitations et dans les régions.

La production s’effectue de manière de plus en plus intensive, avec une dépendance accrue aux protéines (importées du Brésil, avec comme conséquence la déforestation). Ce schéma est un échec, car l’industrialisation de l’agriculture ne produit que 25 % de la nourriture mondiale.

Les normes sanitaires sont bien compliquées, alors que l’agriculture est peu responsable des maladies occasionnées.

L’industrie s’adapte, et les paysans derrière aussi.

On ne peut pas dire : « Demain, on change le système », ce serait comme dire : « Demain, on ferme la grande distribution. »

Bien sûr, il faut produire plus local, plus propre, mais il faudra aller chercher des marchés plus loin, sauf à bénéficier de systèmes comme les AMAP, qui sont une solution.

Les marchés ne sont pas adaptés aux consommateurs, il faut trouver de nouveaux modes de distribution, recréer des solidarités.

Les citoyens et les municipalités ont un rôle à jouer sur le foncier.

On peut disparaître demain sous le coup d’une nouvelle réglementation (une machine obligatoire et chère, par exemple).

Les abattoirs de proximité permettent de privilégier les circuits courts.

La Confédération paysanne a une marge d’action faible, car ce qu’elle défend, c’est le partage, et c’est compliqué pour les paysans. Difficile de convaincre des gens qui travaillent 72 ou 80 heures par semaine, avec des taux d’endettement énorme.

Une exploitation représentant trop d’investissement par rapport à sa rentabilité, notre projet, ce sont les exploitations agricoles transmissibles.

Il faudrait que chaque pays puisse avoir son indépendance alimentaire. Tout le monde constate l’échec du système actuel, mais difficile d’avancer.

Le passage en bio est plus facile aujourd’hui, la consommation augmentant plus vite que la production.

Il y a des aides à la conversion, mais peu de soutien après.

Le paysan a sa part de responsabilité, mais il est pris dans un système et ce n’est pas lui qui fait la loi.



Pierre Hédouin

Les routes vers Avranches, Cherbourg et Paris, la ligne de chemin de fer Paris-Granville sont les axes qui permettent à Granville Terre et Mer de « respirer » et de commercer. Mais sa plus importante plate-forme logistique multimodale est son port. C'est par là que les marchandises arrivent par la mer, la route ou le rail et en repartent.

Une quinzaine de millions d'euros de produits de la mer y sont aussi débarqués par les navires de pêche, chaque année, y sont conditionnés, y subissent pour une part une transformation primaire par la coopérative et repartent vers leurs lieux de distribution.

Environ cent mille passagers embarquent et débarquent aussi chaque année par le port, sans compter les plaisanciers qui passent les fins de semaine et leurs vacances ici.
Toutes ces activités se côtoient et ont chacune leur zone délimitée, ce qui ne génère aucun problème de cohabitation. Or depuis quelques années, la « chambre de commerce », gestionnaire de l'ensemble, a décrété que désormais le cabotage, que l'on appelait il n'y a pas si longtemps le Grand Commerce ou commerce international, le cabotage donc, était non rentable et appelé à disparaître. Cela péremptoirement et sans aucune étude prospective !

Il faut savoir que si la Sirec d'Isigny-le-Buat a cessé ses activités portuaires récemment, d'autres entreprises sont prêtes à reprendre sa place. Quant aux produits des carrières Lainé-Pigeon, leurs débouchés et leur avenir sont assurés.

1 000 tonnes embarquées ou débarquées génèrent un emploi équivalent temps-plein par année (quand le port tourne à 50 000 ou 100 000 tonnes/an, c'est 50 ou 100 emplois qualifiés et permanents qui en vivent)*. Par les temps qui courent, cela ne semble pas intéresser ces messieurs. Au diable l'emploi, au diable les activités maritimes pour lesquelles la ville a été créée (car sinon avec seulement 180° de territoire, il vaut mieux être à Villedieu) : on mise tout sur le résidentiel et la promotion immobilière…

C'est ainsi qu'avec la connivence de la municipalité on nous concocte un PLU qui demande au port « de s'adapter au PLU et non l'inverse » (Pierre-Jean Blanchet, adjoint à l’urbanisme). C'est un peu comme si on demandait à la SNCF de s'adapter elle aussi au trafic automobile ! N'oublions pas qu'un jour ou l'autre une taxe carbone ou équivalent sera instituée – comme en Belgique ou en Suisse –, que la rentabilité du cabotage est incontestable et qu'il génère six fois moins de gaz à effet de serre que la route.

Avec son port de commerce, Granville garde son ouverture sur le large et de l'ambition au lieu de se replier sur soi-même.



*Le port peut traiter 200 000 à 300 000 tonnes par an.



Laurent Brégeon

Trois quarts des Français déclarent avoir une pratique sportive, qui a bien évolué, avec des pratiques hybrides : longe-côte, paddle, surf...

Les entreprises s’implantent dans des lieux où les gens peuvent pratiquer leurs loisirs ; le cheval dans le Sud-Manche, par exemple.

L’organisation de ce marché pourrait passer par un plan de développement de chacun des sports, avec quatre axes : santé, performance, social, économique.

Il s’agit de construire un projet avec les dirigeants, et d’en suivre l’évolution, en surmontant la difficulté de l’évaluation et de la remise en question.

On peut penser au sport d’entreprise (salles de sport privées…). En Bretagne, 710 prestataires sur 630 sites, 1 714 offres différentes pour un million de clients, 144 millions d’euros de chiffre d’affaires, équivalent de 2000 temps pleins.

Pourquoi est-ce que ça ne fonctionne pas dans le Sud-Manche ? Peut-être parce que chacun travaille dans son coin.

Développer le sport et la partie économique qui va avec.



Discussion




Frédérique Sarazin

Il y a un groupe Facebook pour les pratiquants de planche à voile, kite, windsurf, paddle, de Carolles à Coutances. C’est dommage qu’il n’y ait pas un espace dédié à ces sports nautiques au CRNG. Un endroit où on puisse louer des paddles, des planches, etc.. Le club de kayak a un espace là-bas, mais il n’est pas possible de louer des paddles facilement car les horaires et lieux de location sont compliqués et pas disponibles aux touristes. Il faudrait une action des collectivités pour populariser l’activité, faciliter la pratique de ces sports pour les touristes.



Laurent Brégeon

On peut prévoir des structures (piscine, école de voile), mais pour quel emploi ? Et pour combien de temps ? Quelle localisation ?



Arlette

Elle rappelle quelques marchés de producteurs bio ou locaux à Granville et alentours : au cours Jonville le mardi soir ; à la ferme du Bois Landelle ; le jeudi matin à Carolles.



Lolita Chartrain

Dans le Mortainais, la Poste s’est associée à Carrefour pour la distribution alimentaire, sauf le frais.

Beaucoup d’efforts sont faits par tout le monde, mais c’est parfois plus simple d’aller au supermarché



Louis Tanguy

Comment un agriculteur qui fait du lait conventionnel décide d’arrêter pour se mettre au bœuf ?

Pourtant, c’est peut-être une hérésie de se lancer sur un marché qui va se déréguler.



Ludovic Lecrosnier

Tout est à inventer pour la distribution. On n’a pas encore réussi à modéliser des schémas efficaces.

On est asservi à l’industrie, mais il faut trouver un modèle viable pour le paysan.

Viande bovine, on le dénonce. Souvent, les agriculteurs se tournent vers la culture et font l’appoint en bovins.

Les circuits courts permettent aux consommateurs des prix moins élevés.



Anne-Marie Legoubé

Il nous manque des ateliers de transformation des produits agricoles et de la mer.



Pierre Hédouin

On avait ici une économie coloniale. Granville est le cinquième port en tonnage pour la pêche, mais il n’y a qu’une seule entreprise de transformation.

Il n’y a pas de politique définie en ce domaine.

Carentan en a cinq, car la municipalité a une politique.

Le terminal frigorifique était prévu pour le cabotage, mais il a été construit l’année même de la cessation des activités européennes, il travaille maintenant avec les activités de la mer.



Robert Brégeon

Il évoque la fonction sociale du sport, et comment le sport peut apprendre aux jeunes les règles de vie en société.

Le sport peut-être vu comme un ascenseur social.



Laurent Brégeon

Le foot est un bon ascenseur social.



Émilie Guillard

Dans le Mortainais, un espace numérique se met en place ; il y a un éco-parc.

Malgré le Sénat, des volontés politiques existent pour développer les liens entre agriculture et circuits courts.

Relocalisons, volontairement, l’approvisionnement collectif, dans l’éducation, l’emploi.



Ludovic Lecrosnier

Pour la restauration collective, il est difficile de répondre durablement à une centrale de cuisine.

Pour les circuits courts, il faut mettre en place des structures.

Aux abattoirs de Saint-Hilaire-du-Harcouët, la moitié de l’activité se fait pour des circuits courts.

Mais la profession est frileuse pour s’investir dans la transformation.



Gérard Lecann

Les abattoirs de Sainte-Cécile, à côté de Villedieu, ont été en difficulté. Mais c’est parce qu’ils avaient perdu des marchés en Russie ! Que défend-on là ?

Pareil pour la laiterie qui fabrique le camembert Président : il aimerait bien être solidaire, mais il n’achète pas du camembert Président !



Yannick Grivaux

Et l’aérodrome ?



Thomas Collardeau

Il faudrait redemander la présence d’une douane.



Frédérique Sarazin

Les coopératives sont une mise en commun, mais elles ont un peu échappé aux agriculteurs.

Dans les cantines scolaires, la difficulté est également liée à l’absence de zones et de personnels dédiés à l’épluchage des légumes… Pourquoi ne pas créer une éplucherie ?



Robert Brégeon

Plusieurs entreprises qui marchent bien dans le Sud-Manche, comme Acome (Association coopérative d’ouvriers en matériel électrique).



Jean-Paul Rousselot

Petit bémol sur la notion de coopérative dont certaines se comportent comme des entreprises, y compris Acome.








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